Petit rappel pour ceux qui auraient la mémoire courte, ou qui auraient tellement bu ce fameux soir qu'ils n'en
garderaient aujourd'hui plus aucun souvenir : dans la nuit du 31 décembre 2000 au 1er janvier 2001, notre
petite planète a fêté son passage au vingt-et-unième siècle d'une part, au troisième millénaire d'autre part -
ce qui n'est pas rien, quand on y réfléchit trente secondes.
Il y avait ce jour-là différentes manières de célébrer ce grand événement.
Pour les plus misanthropes, se coucher à 20 heures, avaler une demi-boîte de somnifères, se bourrer les
oreilles de coton, s'enfouir sous trois couettes et se réveiller trois jours plus tard, histoire d'éviter de
participer, ne serait-ce que passivement, au vaste élan planétaire.
Pour les plus chics, réserver une table dans le meilleur restaurant parisien ou new-yorkais - qui aurait pour
l'occasion triplé les prix de sa carte déjà fort onéreuse en temps normal -, se costumer en pingouin des
grands soirs, trinquer au Champagne millésimé et, sur les coups de minuit, se faire une bise du bout des
lèvres en se souhaitant, quelle excellente plaisanterie, un très bon millénaire. Ha ha.
Pour les collectionneurs, réserver une place dans un avion spécialement affrêté pour faire cette nuit-là le
tour du monde des passages à minuit, histoire d'avoir douze occasions de boire plutôt qu'une seule.
Pour les téléphages, zapper frénétiquement entre toutes les chaînes afin de savoir qui, de TF1 ou France 2
ou M6, serait la première à souhaiter une bonne année à ses chers téléspectateurs, entre deux éclats de
rire factices tirés d'un spectacle affligeant spécialement conçu pour ce Nouvel An unique...
Au milieu de tout ça, il y eut deux musiciens, qui n'avaient pas moins de raisons que les autres de ne pas se
rendre intéressants à l'occasion du passage au troisième millénaire.
Fabien et moi avons donc imaginé de nous retrouver ce soir-là, munis de nos fidèles synthétiseurs et d'un
magnétophone, avec pour objectif de livrer la nuit à de savantes improvisations plus sauvages les unes que
les autres.
Très honnêtement, je n'aurais jamais imaginé que nous puissions tirer quoi que ce soit de ce projet un peu
loufoque. Connaissant nos styles respectifs, relativement différents, notre manie commune de partir chacun
de notre côté sur des délires personnels, je n'étais pas persuadé a priori que nous soyons capables de
produire une durée suffisante de musique audible pour tous. Ce n'était d'ailleurs pas forcément notre but
premier.
J'avais tort. Ce Four Hand Concerto est là pour le prouver. De notre nuit d'improvisation, il reste une heure
de musique, parfois miraculeuse, parfois déjantée, ou encore (avouons-le sans honte) piteuse, mais toujours
de la vraie musique... Pas forcément audible par tout le monde, mais bon !
Bref, vivement le prochain millénaire que nous puissions remettre ça !!! (hahaha...)